Snow snow. < Kaiden

Le souffle froid du blizzard caressa le visage d’une silhouette au visage dissimulé par une capuche grise, bordée de fourrure. De longs cheveux noirs s’échappaient cependant du vêtement chaud, des cristaux de neige se prenant dans les mèches soyeuses. Une main passa machinalement les doigts dedans, retirant les flocons qui les blanchissaient, avant de retomber au chaud dans les poches. Franchement, quelle dommage qu’à cause de son innocence elle ne porte pas de gants. Ceux-ci empêcheraient au cristal divin de créer la lumière consistante qu’elle utilisait comme arme, à moins qu’ils ne soient aussitôt réduits en cendre par l’activation du pouvoir de la jeune exorciste.

Pourquoi était-elle une fois de plus à l’autre bout du monde ? Pour une mission, bien sûr. Une mission qui n’avait pas été achevée puisqu’elle n’avait aucune raison d’être. On l’avait envoyé surveiller un haut fonctionnaire que l’on soupçonnait d’être un akuma. Il lui avait suffit d’activer son innocence face à lui pour savoir que ce n’était pas le cas. Oui en effet, l’homme avait perdu sa femme peu de temps auparavant. Si une machine démoniaque emprisonnant l’âme de la défunte s’était bel et bien trouvée dans son corps, elle n’aurait pas du être au dessus du niveau 1. Or, un akuma de niveau 1 réagissait de façon violente à la vue de l’innocence. L’homme s’était contenté de lui jeter un regard désabusé, empli de tant de tristesse qu’Hikari en était restée muette quelques instants.

La jeune femme laissa échapper un soupir. Bien, maintenant elle n’avait plus qu’à attendre que les chutes de neige se calment un peu, pour que les traqueurs puissent la ramener à la congrégation. Elle était bonne pour une douzaine d’heures de voyage, une fois de plus. Aussi elle avait décidé de se dégourdir les jambes malgré le froid glacial, résignée à ensuite s’enfermer dans quelques avions, ce qu’elle avait en horreur. Le vent froid lui heurtait le visage à chaque souffle, mais elle se sentait bien, malgré ses doigts glacés qu’elle agitait vainement dans ses poches dans l’espoir de les réchauffer. Sa tenue d’exorciste était adaptée à son arme. Les manches étaient habituellement courtes, et il était fréquent que le bas tienne plus du short que du pantalon. La lumière devait pouvoir envahir une surface maximum de son corps. Cependant elle avait opté pour une tenue plus hivernale qui ne lui permettrait peut-être pas de se battre sans la brûler, mais qui permettait à ses jambes de ne pas geler. Sur l’épais uniforme noir bordé d’un liseré rouge, la croix blanche de la congrégation paraissait consumer l’obscurité du vêtement. Aussi, désirant pouvoir se promener tranquillement, Hikari s’était couverte d’un manteau peu représentatif de la congrégation de l’ombre. Un tissu épais, une capuche aux bords couverts d’une fourrure claire. Personne n’était censé pouvoir deviner qu’elle était une exorciste, la Lumière Céleste.

Ses grands yeux bleus parcourent la colline qui se trouvait devant elle. Un petit village, de la neige partout. Un ciel grisâtre qui déversait une véritable avalanche. Un paysage sombre qui invitait à se perdre, pourtant elle s’y sentait étrangement apaisée. Depuis quelques temps elle se sentait à sa place en tant que membre de l’ordre noir. Sa sœur jumelle lui manquait toujours autant, et bien entendu, elle se sentait trahie par son appartenance aux Noah. Mais après tout, elle était celle qui avait fuie en changeant de vie pour devenir exorciste. On ne lui avait pas vraiment laissé le choix, ses parents avaient été heureux de se débarrasser d’elle de façon honorable. Mais les faits restaient les mêmes. Elle avait abandonnée Meian. Et celle-ci lui avait bien rendu. Heureusement, Hikari avait fini par laisser derrière elle le silence qui l’avait hébergée quelques temps, pour apprendre à connaître ses camarades de combat. Et hélas également ses nouveaux ennemis.
Un bruissement léger dans la neige la fit tourner la tête ; là, non loin, quelqu’un se tenait, aussi immobile qu’elle. Quelqu’un qui venait s’introduire dans sa tempête, dans sa solitude.

Q

I

R

T

-Que faites vous là ? C’est pour moi que vous êtes ici ?

K

Hikari resta quelques secondes silencieuse, dévisageant soigneusement l’homme qui se trouvait face à elle ; elle réfléchissait. S’il croyait que la présence du groupe faisait suite à la sienne, alors… Il ne pouvait être qu’un akuma, ou un Noah. Dans le premier cas, il lui serait normalement simple de s’en débarrasser. Dans le second, les traqueurs ne lui seraient d’aucune utilité. Le visage à demi dissimulé sous la capuche de son lourd vêtement, elle s’avança, cherchant à en deviner plus. La lueur folle qu’elle aurait du détecter derrière ses pupilles n’étaient pas présente, du moins pas flagrante. De plus, s’il était un akuma, il aurait du déjà se transformer et attaquer, étant conçu pour le combat. En revanche, un Noah conservait une vague humanité ; ainsi ce nouveau venu en était probablement un. Un vague sourire vint éclairer la façade impassible qu’elle offrait un instant auparavant. Elle se tourna alors vers les quelques traqueurs qui l’avaient accompagnés dans sa promenade nocturne hors de l’hôtel dans lequel ils avaient élu domicile jusqu’à ce que la tempête s’apaise et que les avions puissent de nouveau décoller.

« Rentrez à l’hôtel. »

Elle s’apprêtait à tourner les talons pour rejoindre le – probable – Noah, lorsqu’elle se dit que cela ne suffirait peut-être pas à faire fuir une équipe destinée à la protéger.

« Ne vous inquiétez pas, il faut mieux que j’aille le voir en étant seule. Rentrez, vous me rendriez service, vraiment. »

Un des traqueurs ouvrit la bouche pour protester, elle se contenta de lui adresser un sourire plutôt chaleureux, mais lui enjoignant sans le moindre doute de se taire et de lui obéir. Avec une moue contrite, le petit groupe tourna les talons, non sans lui lancer de nombreux regards inquiets. Immobile durant quelques secondes, s’assurant qu’ils ne restaient pas à observer la rencontre, Hikari finit par se retourner, fermant les yeux durant un infime moment.

« Aube vengeresse activée. »

Les mots s’étaient échappés de ses lèvres dans un murmure imperceptible, et la lumière qui envahit ses doigts glacés était tout aussi discrète. L’énergie brûlante se contentait de nimber sa main d’une lueur fade qui n’était pas bien menaçante pour l’instant. Ses deux paumes brillaient d’un éclat qui passait inaperçu dans la blancheur de cette nuit. Chassant un court instant l’énergie meurtrière du bout de ses doigts, Hikari rejeta en arrière sa capuche, exposant son visage adolescent aux violentes bourrasques.

Un souffle ramena la lumière de son innocence jusqu’à l’extrémité de ses doigts, les enflammant d’un halo immaculé. Quelques pas la menèrent jusqu’à l’intrus, bien qu’elle gardât une prudente distance. Pour l’instant, elle devait paraître tout ce qu’il y avait de plus pacifique, son vêtement cachant toujours la croix, marque indéniable de sa nature d’exorciste. Un rictus insolent aux lèvres, elle se décida à prendre la parole, d’une voix forte qui fût presque volée par le vent.

« Tu penses que nous serions ici simplement pour toi ? »

Elle n’avait pas envie de l’attaquer. Mais à vrai dire, même avec ses alliés, elle n’était jamais contre une joute verbale… Enfin. C’était vrai quand elle était jeune. Depuis son arrivée à la congrégation, elle n’avait pas réellement eu l’occasion d’être insolente, se contentant d’obéir silencieusement aux ordres. Jusqu’à ce qu’elle s’attache à quelques exorcistes, malgré le fait qu’elle s’était jurée de ne jamais se prendre d’affection pour des êtres qui pouvaient mourir d’une seconde à l’autre. Oui, maintenant les choses allaient changer pour elle. Aussi, c’est avec un certain plaisir qu’elle reprit.

« Si c’est le cas tu t’accordes trop d’importance à mes yeux. »

Elle lui adressa un grand sourire, empli d’innocence, avant de plonger ses yeux dans les siens, dans un regard on ne peut plus insolent. Allez, viens jouer avec moi cette nuit.

D

S

« Vous n’êtes pas venu pour moi, vu que personne ne sait que je suis ici. En revanche, la Congrégation de l’Ombre doit vraiment avoir de mauvais informateurs si vous n’avez pas trouvé votre Akuma. »

K

« Vu le sourire que tu arbore, je pense que tu veux continuer ce petit jeu. Vas-y, j’attend ta prochaine réplique ! »

K

Le sourire de la jeune exorciste s’élargit, et elle fit un pas de plus vers le nouveau venu, ses jambes s’enfonçant dans l’épaisse couche de neige. Bien, il savait maintenant qu’elle était un apôtre de Dieu… Et visiblement, il n’était pas pressé non plus de la tuer. Ou de mourir. Alors comme cela, il voulait jouer avec elle ? Hé bien, elle acceptait avec plaisir, vraiment. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de se battre avec les mots, les derniers combats auxquels elle avait pris part avaient fait couler le sang plutôt que les paroles.
Cependant, leur rivalité ne faisait aucun doute. Le Noah n’avait pas raté sa chance de se moquer de la congrégation de l’ombre, c’était donc à elle de lui rendre la pareille. Son regard dériva un court instant vers ses mains, toujours illuminées par l’innocence. Cela ne serait pas prudent d’être aussi proche d’un ennemi tout en étant désarmé, pourtant elle voulait croire qu’il était possible de parler à un Noah sans être en permanence sur la défensive. Aussi, elle leva soigneusement les mains vers son vis à vis, agitant les doigts comme pour le narguer, lui montrant le halo blanchâtre qui les illuminait et disloquait chaque flocon osant le heurter. Et, d’un murmure que la tempête soufflerait loin des oreilles du Noah, elle désactiva son innocence, avant de rentrer rapidement les mains dans ses poches, les serrant étroitement dans l’étoffe en espérant vainement les réchauffer. Puis, avec un air joyeux, elle prit la parole, secouant vaguement la tête pour chasser les flocons qui venaient fondre sur son visage glacé.

« Oui, allons y, jouons ! »

Sa voix était plus heureuse qu’elle ne l’avait été depuis… Hm, bien plus d’un an. Depuis qu’elle avait perdu sa sœur sans doute. Oh, non, à vrai dire c’était encore plus lointain. Cela remontait à ce jour où, alors qu’elles étaient enfants, ses parents avaient décidé de leurs apprendre à vivre l’une sans l’autre. Alors, elles avaient souffert. Et elles s’étaient enfuies ensemble, causant par un parcours de circonstance la ruine de leurs parents. Et tout ça avait été de sa faute. Alors les deux gamines insolentes et pleines de vie s’étaient apaisées pour ne plus être que les fantômes de ce qu’elles étaient autrefois, gardant au fond de leurs cœurs ce qu’elles étaient pour offrir au monde l’image de deux parfaites poupées de porcelaine. Et l’insolence n’avait plus été qu’un défaut honteux qu’elles ne pouvaient évidemment pas posséder. Au final la congrégation lui avait rendue le droit d’être elle-même, bien qu’elle n’ait pas voulu en profiter avant longtemps, se murant dans un silence plus profond encore que celui qu’elle offrait lorsqu’elle vivait encore avec ses parents, et avec Meian. Car cette fois, elle n’avait plus sa jumelle. Les dernières années qu’elle avait vécu avec sa sœur avaient été dures ; elles avaient tenté de satisfaire leurs parents en vivant leurs vies chacune de son coté. Cela s’était avéré douloureux, et la vie avait pris alors un goût fade. Puis Hikari avait fuie de nouveau, découvrant son innocence en même temps que la véritable face d’un akuma. Ce qui l’avait conduit à la congrégation de l’ombre.

Tout s’était aggravé lorsqu’elle avait appris que sa sœur était devenue une Noah, haïssant l’innocence qui lui avait dérobée sa sœur. Hikari s’était faîte plus amère encore. Puis elle avait rencontré Kenji, Axel, et enfin Lavi. Et peu à peu, elle s’était réchauffée à leurs brasiers chaleureux, redevenant celle qu’elle aurait du toujours être, bien qu’elle regrettât encore profondément sa sœur. Car elle l’aimait toujours, et en observant Kaiden, elle ne pouvait s’empêcher de penser à elle. Cela faisait plus d’un mois qu’elle l’avait vu disparaître, blessée, après un combat pour une simple innocence que leur groupe avait finalement emportée. Le Noah en face d’elle, savait-il qui était Meian ? Allait-elle bien ? Etait-elle heureuse, l’avait-elle oubliée ? Hikari laissa un soupir s’échapper d’entre ses lèvres. Non, elle ne pouvait définitivement pas satisfaire sa curiosité de façon aussi éhontée. Aussi, elle tenta de reléguer Meian dans un coin de sa mémoire, pour reprendre sa joute verbale, essayant elle aussi de se glisser à travers la moindre faille dans le calme de son adversaire, afin de le forcer à s’énerver, qu’il se sente perdu dans une colère profonde, et que les mots se dérobent à lui.

« L’akuma n’en était pas un. Il semble que la congrégation ait commis une légère faute en effet. » Admit-elle, en inspirant profondément.

Une critique comme celle-ci ne pouvait pas la toucher, mais elle n’aimait pas reconnaître son tort. Et elle devait admettre avoir été agacée de faire un tel voyage pour rien. Même si au final elle prenait l’air, et pas qu’un peu.

« Mais quelque chose me chagrine plus… Tu dis que personne n’est au courant de ta présence ici ? Le Comte aurait-il perdu un peu de son emprise sur ses fidèles toutous ? »

Un rictus moqueur passa sur ses lèvres. Il ne pourrait pas gagner à ce petit jeu là.

D

A

L

« Pourquoi le Comte devrait-il savoir que je suis ici ? Je suis venu pour m’amuser et me détendre. Et au sujet de cette « emprise » que tu cites, c’est le même principe que vous avec votre Intendant. Il nous donne des ordres, on les exécute. Il ne nous donne pas d’ordres, on fait ce que l’on veut. Certains préfère chasser des l’Exorciste, moi je préfère me balader. »

D

K

La jeune exorciste resta un instant immobile, légèrement surprise. Il répondait avec un calme qui avait de quoi l’impressionner, pourtant elle se refusait à admirer le sens de la répartie de quelqu’un qui, malgré son talent pour la discussion, restait un ennemi. Aussi, elle garda une fois de plus le silence, préférant faire tourner son esprit à toute vitesse, cherchant comment répondre. Oui, il aurait été bien plus simple de continuer sur la voie du sarcasme s’il n’avait pas été aussi honnête et désinvolte. Cependant sa dernière phrase lui offrit quelques armes, et elle ne se démonta pas, l’observant simplement s’asseoir, plutôt songeuse. Elle jouait avec le feu et elle en était parfaitement consciente. Que devait-elle faire ? Le rejoindre comme il semblait l’inciter à le faire ? Oh, après tout, quitte à être damnée, autant qu’elle se soit réellement amusée avant. Aussi, elle s’avança encore de quelques pas, et se laissa tomber au sol près de lui, dans la neige qui crissa un peu sous son poids.
Là, elle laissa son regard bleuté parcourir le visage de l’intrus, et écarquilla les yeux, étonnée. Bien, elle qui s’imaginait tomber sur un faciès effrayant, on lui offrait à voir un spectacle intéressant. L’homme était beau, son visage n’ayant pas actuellement la couleur grisâtre de la forme Noah, ni les morbides stigmates en forme de croix. Il avait des traits nobles, des cheveux noirs qui lui coulaient dans la nuque, jusque là rien de bien dérangeant. En revanche, ses yeux, eux, avaient une étrange couleur écarlate. Cependant, elle avait l’habitude de croiser des exorcistes ou des Noah avec un trait physique aussi surnaturel, des cheveux blancs, des yeux rouges, cela faisait presque parti de son quotidien désormais. Aussi, elle se contenta de sourire, chassant encore une fois avec distraction les nombreux flocons qui venaient se perdre dans sa longue chevelure noire. Dire qu’il y avait plus de deux ans qu’elle les avait coupé court… Elle se rappelait encore la rage de sa mère lorsque celle-ci l’avait découverte, assise dans la salle de bain, des ciseaux de couture entre les doigts, observant d’un air critique le reflet que lui renvoyait l’immense miroir mural qui lui offrait le visage enfantin d’une jeune fille, auréolé d’une crinière noire mal coiffée. Le coiffeur familial avait rapidement rattrapé l’affaire, et elle avait pris une allure un peu androgyne pendant quelques temps, ce qui au final l’avait un peu agacée. Hikari n’avait jamais expliqué à ses parents la raison de son acte, encore moins à Meian d’ailleurs. Simplement, elle avait voulu qu’on la distingue, qu’on comprenne qu’elle existait à part entière et pas seulement en tant que membre du duo des Jumelles Hakumei. Aujourd’hui ses cheveux avaient atteint de nouveau ses omoplates, mais elle était pourtant bien plus différente de Meian qu’avant. Car Meian avait désormais une couronne de croix sur le front, une peau grise comme un matin d’hiver. Et ses pas étaient accompagnés du croassement d’un paisible corbeau. Les longs doigts coulèrent des mèches comme les souvenirs glissèrent hors de son esprit. Il y avait un combat en cours, elle devait cesser de se disperser.

« Ainsi tu renonces à un loisir aussi distrayant que la chasse aux exorcistes pour faire une petite promenade sous la neige ? Voilà qui doit surprendre tes camarades. »

Sa voix était calme, et le sourire vainqueur qu’elle avait eu un instant auparavant avait disparu, se faisant plus prudent. Visiblement elle avait sous-estimé le Noah, il ne semblait pas être pareil à ses frères et sœurs, et cela n’en était que plus dangereux. Hikari savait en effet comment réagir face à un ennemi sanguinaire, il lui suffisait de se battre. Mais ici, devait-elle s’énerver, ou simplement profiter de l’occasion qu’elle avait d’en savoir un peu plus sur ses ennemis, la nouvelle famille de sa sœur ? La jeune fille serra les poings, retenant la jalousie qui lui grignotait le cœur ; celui-ci n’en avait pas besoin, l’innocence le mettait déjà bien assez à mal. A vrai dire elle craignait qu’un Noah, un jour, pour détruire son cristal divin, n’ait la brillante idée de lui arracher le cœur. Cependant, cela expliquait qu’elle joue avec sa vie sans le moindre remords, qu’elle soit assassinée ou non, elle ne résisterait probablement pas longtemps, un cœur humain n’est pas fait pour supporter la fréquente activation d’une innocence.

« Je m’appelle Hikari, et je crois que je dispose d’un peu de temps aujourd’hui avant que tes amis ne souhaitent jouer à chat avec moi. »

A

P

« À vrai dire, cela ne surprend pas vraiment. Mes frères et sœurs font pareil temps en temps. Enfin, pas tous. Et je dois dire que je ne les connais pas beaucoup vu que je suis arrivé dans cette famille récemment. »

K

« Ah euh.. Je.. Je suis Kaiden. Enchanté de te rencontrer et d’avoir une conversation normale avec une Exorciste. A vrai dire, je ne pense pas que mes amis viendront te chercher ici. Le Québec n’est pas une des destinations favorites chez nous. »

I

Une légère grimace agita ses traits paisibles. Une famille, hein ? Alors, si elle avait trouvé une maison et des amis précieux, Meian aurait elle aussi trouvé une famille ? Des frères, et des sœurs ? Tant de gens si différents d’elle qui désormais pourraient la remplacer. Son regard s’assombrit. Autrefois, elle avait formé avec sa sœur jumelle un même être, personne ne pouvant les différencier ; elles avaient joué de cela, se forgeant à la flamme de l’autre, décidée à ne faire qu’un à jamais. Mais cela n’avait pas plu à leurs parents, et on s’était hâté de briser leurs illusions candides. Comment deux enfants qui avaient été si semblables pouvaient elles avoir pris des chemins si différents, jusqu’à devenir ennemies, l’une se battant pour la congrégation, l’autre pour le Comte Millénaire ? Hikari en voulait à sa sœur, comme elle devinait que Meian lui en voulait également. Car c’était bel et bien la haine de l’innocence de sa sœur jumelle qui avait fait naître en la plus forte des Hakumei un souvenir de Noé, celui du silence. Il était trop tard pour vouloir changer les choses, désormais seuls les regrets pouvaient trouver leur place dans leur relation. Seulement, Kaiden venait de briser un peu plus les nouvelles certitudes d’Hikari. Se convaincre que ses adversaires étaient des monstres sans cœur était bien plus simple pour elle, même si cela la faisait souffrir. Ainsi, elle pouvait croire fermement à sa cause, et apprendre à se faire à sa vie d’exorciste malgré le désir qu’elle avait de retrouver sa vie d’autrefois, celle dans laquelle elle ignorait qu’une innocence dormait au creux de son cœur, celle dans laquelle Hikari était simplement blottie contre Meian.

Mais aujourd’hui, elle apprenait que les Noah gardaient en eux une certaine humanité, et cela la blessait bien plus encore. En cet instant elle en venait à se demander contre qui au juste elle se battait réellement. Contre des humains ou contre des monstres ? Non, le véritable ennemi était le Comte, qui manipulait la douleur des familles en deuil pour créer des armes. Les Noah avaient peut-être créé une famille factice, mais ils en avaient détruit des millions d’autres, et elle ne devait pas apprendre à les aimer. Même si l’un d’eux lui parlait avec tant de civilité, même si l’une d’eux était sa propre sœur, qui, en se séparant d’elle, lui avait laissé une plaie béante qui jamais ne se refermerait. Le regard trouble d’Hikari se leva vers Kaiden. Et le semblant de haine qui avait voulu renaître dans son cœur disparut aussitôt en entendant ses mots.

« Je ne comprends plus rien. » marmonna-t-elle en baissant les yeux.

Comment pouvaient-ils se battre, défendre leurs idéaux, s’ils sympathisaient ? Il fallait qu’elle se reprenne. Aujourd’hui, elle pouvait apprendre à connaître un Noah. Découvrir qu’ils étaient humains pour ne jamais se laisser guider par la haine. Oui, l’exorciste de lumière se contenterait de combattre lorsqu’ils s’opposeraient à elle. Car même si leurs buts étaient amplement différents, leurs cœurs présentaient d’étranges ressemblances. Elle releva donc la tête, adressa un léger sourire à Kaiden, avant de reprendre, d’une voix plus assurée :

« Je croyais découvrir un monstre, me voilà face à un humain ? Il est étrange que nous nous haïssions tous tant, alors que nous sommes en vérité capables de parler sans nous entretuer. »

Mais pourquoi donc, si ces Noah étaient capables d’être humains, pourquoi donc cherchaient-ils à détruire le monde ? Que voulaient-ils exactement ? N’était-il pas plus simple de voir une part de lumière chez ceux qui désiraient simplement arrêter les effusions de sang ? Car c’était pour cela que Dieu avait lacéré son cœur d’un cristal divin, n’est ce pas ? Pour qu’elle libère des âmes, et aide à la destruction du Comte. Oui. Les Noahs devaient rester ses ennemis, peu importe que l’un d’entre eux s’avère humain. Après tout sa propre sœur l’avait attaqué, autant avec ses mots qu’avec ses sombres corbeaux. Les Noah avaient été humains, mais ils ne pourraient plus jamais l’être. Quant à elle, elle sacrifiait sa vie à l’innocence car celle-ci lui avait offert une destinée, une maison, une famille.

« Mais je suis également heureuse de pouvoir parler ainsi avec un Noah. Peu importe à quel point cela peut être étrange. »

Même si cela était interdit. Même si c'était contre-nature, aujourd'hui elle saisissait simplement une occasion trop tentante, qui ne se reproduirait sans doute jamais.

U

E

« Tu sais, aucun Noah n’est un monstre. Je dois avouer que certains sont assez… bizarres, mais certains êtres humains sont tout aussi dérangés que certains Noahs. Bien qu’ils n’aient pas de pouvoirs, les humains sont quand même capables des pires choses. Et c’est de même pour les Noahs. Nous ne sommes pas plus cruels que les humains, nous avons juste la peau grise et quelques pouvoirs en plus. »

I

« Notre conversation n’est pas si étrange, il fallait bien que cela arrive un jour, un Exorciste qui discute avec un Noah. Au fond, nous n’sommes pas très différents toi et moi. »

K

Elle chassa la réplique du jeune homme d’un mouvement désinvolte de la main. Il pouvait dire ce qu’il voulait, si certains Noahs pouvaient être humains, nombreux étaient ceux dont l’âme était noire et salie. Kaiden n’était peut-être qu’une simple exception.

« Alors, tu n’as pas tout vu. Nous, exorcistes, nous avons pu voir les tiens rire en massacrant des innocents. Alors que nous mourrons pour un peuple qui ne retiendra même pas nos noms, vous, vous vivez pour le détruire. L’humanité est emplie de tourments, pourtant elle est parfois tellement heureuse… »

Et elle ferma douloureusement les yeux, parce que sans ces Noahs, sans ce Comte Millénaire, elle aurait été chez elle, peut-être un peu triste, peu être mariée à un homme répugnant. Mais il y aurait eu sa sœur près d’elle pour la soutenir. Elle n’aurait pas été juste aussi perdue et désespérée.

« Sans vous, j’aurai peut-être pu être heureuse moi aussi. Au lieu de sacrifier ma vie pour vous empêcher de détruire le bonheur d’autres personnes. »

Il y avait énormément d’amertume dans sa voix. Merde. Elle avait beau avoir décidé de lui parler calmement, malgré tout la haine qu’elle ressentait pour les siens ressortait, une fois de plus. Cette haine maladive de l’innocence qui, bien qu’encombrante, existait pour le salut de l’humanité, réduisait des hommes à l’état de monstre. Sa sœur se moquait bien que Hikari ait pour nouveau but de détruire les akumas. Oh, mais l’innocence avait brisé ce qu’il restait de leur famille. Pour que Hikari, la lumière de ce duo qu’elles avaient cru éternel, vienne servir Dieu. Cela avait été décidé sans doute bien avant sa naissance ; après tout l’innocence était venue au monde avec elle. La jeune exorciste ne croyait pas spécialement au destin autrefois. Du moins, elle ne s’était jamais penchée sur le sujet. Mais au fur et à mesure que le temps passait et que les drames se succédaient, elle finissait par se demander si celui qui décidait de sa vie là haut ne poussait pas parfois des soupirs désolés. Petite combattante déchirée entre son devoir et son cœur. C’était douloureux ; un peu trop.

« Mais je suppose que tu es bel et bien différent. Et que même parmi vous, tous ne sont pas poussés par le simple désir de voir la race humaine s’éteindre. »

Ses grands yeux bleus ne quittaient pas le regard carmin de son vis à vis. Il la fascinait. Aussi étrange que les Noah, mais plus doux. Plus intéressant en vérité. Frottant légèrement ses mains les unes contre les autres, frigorifiée, elle laissa durant quelques secondes son regard se perdre sur les multiples cicatrices qui couvraient sa paume, tendres souvenirs de sa compagne de bataille, l’innocence.

« Qu’es tu censé représenter ? Quel souvenir ? »

Etait-il l’amitié de Noé ? Ah, ah. Elle était idiote de faire de telles suppositions, mais il était en effet amical, et cela la troublait bien plus qu’elle ne l’avouerait jamais. Pourquoi n’essayait-il pas de la tuer alors que sa méfiance était endormie et qu’elle n’était qu’une adolescente un peu fatiguée de tout cela, et qui souhaitait simplement parler un peu avant de rentrer dans ce qui était désormais sa maison ? Hikari savait pertinemment qu’elle n’était plus en état de se défendre, il ratait donc une bonne occasion de soulager son camp d’une future ennemie. Non. D’une ennemie déjà vaguement redoutable. Après tout, elle avait tué, plusieurs fois, et sans la moindre gêne. Du moins, maintenant cela ne la dérangeait plus. Mais elle comptait bien ne pas s’arrêter là. Elle lutterait longtemps pour pousser son innocence jusqu’à ses limites. Et lorsqu’elle ne pourrait plus progresser, des ennemis plus forts qu’elle, viendraient la submerger. Alors, inutile et faible face à eux, elle pourrait enfin mourir, satisfaite d’avoir fait tout son possible pour accomplir sa tâche.

[ ouais pas génial mais comme je te l’ai dit je manque d’inspiration >>’ ]

"Joseph Conrad a dit :
la croyance en une origine surnaturelle du mal n'est pas nécessaire.
Les hommes sont à eux seuls capables des pires atrocités."

L

« Moi aussi j’ai déjà rit en massacrant des innocents, et tu l’as dis toi-même, je ne ressemble pas à un monstre. La vie est cruelle pour tout le monde. Tu n’es pas un cas particulier. Tous les humains. Même nous, Noahs, auraient surement mieux vécu sans cette guerre. Mais nous n’en sommes pas la cause. Nous ne sommes pas nés tout seul. Quelqu’un nous a créé. C’est lui le responsable. Demande-toi qui est-ce. »

L

E

« Tu te demande quel est mon souvenir ? Hum… Parmi tous les Noahs, je suis sans doute le plus étrange. Je peux à la fois être comme tous mes pairs, ou être totalement différent. Je suis l’Incarnation du Changement. »

À

c'est tout petiiiiiiit

LE ROUQUIN BORGNE ANONYME VOUS A L'OEIL. é_é

Et la jumelle anonyme incarnant le silence est morte de rire (a)

Bonjouuuur c'est l'proprio ! C'es vrai qu'moi aussi j'trouve ça drôle d'éditer mon post é_é

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